Les vins israéliens : une histoire vieille de plus de 3000 ans
Depuis près de trente ans, les vins israéliens réinvestissent en force le marché international et raflent de nombreux prix lors de concours prestigieux. Une réussite qui récompense les efforts engagés par les domaines vinicoles israéliens et permet de renouer avec une histoire de la vigne qui remonte… à Noé.
Le vin dans le judaïsme
Si Israël est décrit dans l’ancien testament comme le « pays où coule le lait et le miel », le vin y occupe toutefois une place très importante. Il est ainsi mentionné 441 fois dans les textes sacrés du judaïsme.
La première mention a trait à Noé. « Noé, d’abord cultivateur, planta une vigne. Il but de son vin et s’enivra, et il se mit à nu au milieu de sa tente (Genèse, ch.9 ) ». Noé, après être sorti de l’arche, aurait donc planté la première vigne, extrait le jus de raisin et l’aurait fait fermenter.
Ne connaissant pas les effets de cette nouvelle boisson, il en abusa et, une fois enivré, se dévêtit sous sa tente avant de s’endormir, exposant sa nudité aux yeux de ses fils. Si le vin apparaît ici, et dans quelques autres passages de l’ancien testament, comme source d’immoralité, quand on en abuse, il est également et principalement présenté comme un nectar d’exception au caractère sacré.
Ainsi, au 10ème siècle avant J.C., au Temple de Jérusalem, les prêtres effectuaient des libations avec le vin. Ils trempaient le doigt dans le liquide écarlate et faisaient couler quelques gouttes sur l’autel.
Par ailleurs, la Torah demande aux juifs de sanctifier le nom de Dieu lors de chaque fête et chaque shabbat en prononçant une prière sur une coupe de vin.
Au-delà de cette dimension sacrée, le vin est aussi une boisson qui participe au bien-être qu’il convient de consommer avec modération afin que l’ivresse n’éloigne pas les êtres de leurs devoirs moraux et religieux.
Enfin, les propriétés euphorisantes du breuvage sont également utilisées à cette époque pour alléger les souffrances physiques. Selon le Talmud de Babylone, des dames offraient du vin aux personnes condamnées à mort afin de soulager leur agonie. D’ailleurs, lors de la crucifixion, Jésus se vit proposer une coupe de vin aromatisé à la myrrhe qu’il refusa afin de vivre pleinement son agonie et, ainsi, expier les fautes des hommes.
« Ceci est mon sang… »
La tradition chrétienne reprend en grande partie les rites du judaïsme mais leur donne une autre signification. Ainsi Jésus, lors de son dernier repas, partage le vin avec les apôtres. « Il prit ensuite une coupe de vin et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna en disant : Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang qui garantit l’alliance de Dieu et qui est versé pour une multitude de gens, pour le pardon des péchés.
Je vous le déclare : dès maintenant, je ne boirai plus de ce vin jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père. » (Mathieu, 26).
En comparant le vin à son sang, Jésus confère au vin une nouvelle dimension quasi-mystique. Le vin est source de vie, il donne de la force. C’est ce qu’exprime d’ailleurs Paul lorsqu’il conseille à son disciple Timothée de boire du vin plutôt que de l’eau : « Cesse de ne boire que de l’eau. Prends un peu de vin à cause de ton estomac et de tes fréquentes faiblesses » (1 Tm 5,23).
Mettre de l’eau dans son vin
Toutefois, à l’époque biblique, le vin était assez éloigné de celui que nous buvons aujourd’hui. Le jus de raisin était grossièrement filtré et les techniques de vinification et de fermentation étaient rudimentaires. Afin d’adoucir le breuvage obtenu, trop rude et sans doute âpre, on y ajoutait des épices, du miel, on le cuisait avec des légumes à racines. Cela donnait lieu à une grande variété de vins. Les juifs et les romains le coupait même parfois avec de l’eau.
Si les régions les plus appropriées à la culture de la vigne étaient les hautes terres de Judée et de Galilée, les archéologues ont pu mettre à jour des carafes à vin, des pressoirs et des celliers qui témoignent que le vin était produit dans presque tout le pays.
Il était également consommé par toute la famille, hommes, femmes et enfants. Selon les évaluations réalisées par les historiens, la quantité consommée par les hébreux était, en moyenne, de 3 à 4 litres par personne et par mois.
L’apogée de la production du vin est estimée à l’époque du second temple de Jérusalem, soit durant les 5 siècles qui ont précédé la naissance de Jésus.
La production était alors si abondante qu’elle permettait aux vignerons d’exporter leur vin vers l’Égypte.
A l’époque romaine, le travail de la vigne perdura et la production était alors exportée vers les hauts lieux de l’empire. Les vignerons hébreux étaient appréciés pour leurs connaissances et les propriétaires romains leur confiaient souvent l’exploitation de leur vigne.
Mais la conquête musulmane au 7ème siècle sonna le glas de la culture de la vigne. En effet, parce que l’alcool est interdit en Islam, les pieds de vignes furent arrachés. Le vin va alors disparaître du pays durant des siècles.
Il faudra attendre la fin du 19ème siècle pour que des vignes soient replantées et que la production de vin soit relancée.
Le renouveau du vin israélien
Dans les années 1800 des juifs allemands et français reviennent s’établir dans le pays. Ils plantent de nouvelles vignes, principalement au Carmel, dans le nord du pays. Le baron de Rothschild va alors s’intéresser à ces initiatives et les soutenir. Il crée ainsi deux caves, une au Carmel, à Zikhon Yaacov, l’autre plus au sud, à Rishon Lezion. La Carmel Winery est née. Elle va développer une production importante de vins, de jus de raison et de Brandy.
Après la création de l’état d’Israël, en 1948, l’arrivée massive de populations venues de différents pays va permettre de développer la consommation. De plus, parmi les nouveaux migrants se trouvent des viticulteurs qui apportent leurs connaissances et permettent d’enrichir les techniques viticoles.
En 1957, l’Institut Israélien du Vin est créé avec l’objectif de mener des recherches en matière de vinification et de favoriser le déploiement de la vigne en Israël.
Toutefois, le vin produit est d’une qualité assez moyenne. Il répond aux besoins courants des Israéliens sans trop se soucier de la qualité.
Il faut attendre les années 80 et la création de nouveaux vignobles sur les plateaux du Golan et de Haute-Galilée pour que des objectifs qualitatifs soient fixés.
En effet, les conditions climatiques sont réunies pour que les vignes produisent un raisin aux qualités exceptionnelles. L’ensoleillement, la latitude, les écarts de températures entre le jour et la nuit, constituent des conditions idéales contrairement à d’autres régions trop chaudes, trop ensoleillées, voire arides.
Mais, au-delà des conditions naturelles, c’est également au niveau des techniques viticoles qu’Israël va investir.
Vin en Israël: L’excellence comme objectif
Si dans les années 90 et 2000 les techniques viticoles se sont considérablement améliorées et ont permis de produire du vin de qualité, les domaines viticoles israéliens vont vouloir aller plus loin encore. Leur volonté est de profiter des conditions exceptionnelles de certaines régions du pays pour produire des vins dignes des plus grands crus européens.
Pour atteindre cet objectif, c’est justement en Europe que les vignerons vont envoyer leurs équipes se former et, forcément, principalement en France.
Cet effort de formation va être payant. En effet, de nombreuses caves parviennent à une maitrise des techniques vinicoles et s’attachent à optimiser la qualité de leur production. Les vins israéliens vont investir le marché international et vont enchanter les plus grands experts. Depuis, les crus israéliens ont gagné de nombreux et prestigieux concours internationaux. Les plus célèbres critiques et œnologues vantent leur qualité.
Ainsi, plus de 2 500 ans après avoir exporté du vin vers l’Égypte et la Rome antique, Israël réinvestit le marché international.